UN PEU de souvenirs fatigants – jour sixième et septième de la tournée RECTO-VERSIBLE – pour la cent trente-quatrième et cent trente-cinquième des MILLE et UNE TERRASSE. Au lendemain de la soirée toulousaine, nos trois compagnons reprenaient la route pour un voyage de plus de sept heures. Ils rejoignaient la capitale française – PARIS - en milieu d'après-midi. Cayo venait de garer sa voiture devant la terrasse d’EL CLAN DESTINO - un théâtre de marionnettes géré par un étrange personnage de soixante-neuf ans, d’origine argentine et secondé par un compatriote tout aussi discutable. Le gérant accueillait les trois artistes en leur indiquant qu’il n’avait reçu aucune réservation pour les deux soirées prévues. Il menaçait d’annuler le deuxième concert si la première soirée ne lui était pas satisfaisante. Ses inquiétudes allaient vite se dissiper lorsque le public de vingt-cinq personnes, arrivait pour l’évènement. Le public parisien était déjà tout acquis à la cause de Julien Gasc mais ne connaissait pas du tout Mes lèvres. La performance de Mes lèvres était d’un très bon niveau. Matthieu Ha venait de faire son meilleur concert depuis le début de la tournée, il portait une chemise noire, (verso de son chemisier blanc), en hommage à Yves Montand et enfilait sa chaussette dragon d’Osaka en hommage à Bruce Lee. Cayo jouait de mieux en mieux sous sa robe d’or, son élégance alchimique – une noblesse du geste, dans l’économie des mouvements de sa guitare, de son harmonica, de sa maracasse. Dans chacun de ses gestes il y avait le triomphe d’une rockeuse hollandaise inaltérable. Le décor parfaitement disposé, le duo envoyait alors toute sa batterie d’orage, d’éclair d’amour et de beauté. L’accordéon rugissait tel un tigre et le vieux synthétiseur japonais était surprenant de fraîcheur. Mes lèvres venaient d’offrir un baiser ardent et remportaient un franc succès, si bien que certaines personnes du public étaient revenues une seconde fois pour le deuxième concert du lendemain. Cayo et Matthieu Ha avaient reçu l’hospitalité chez leur vieil ami – le cinéaste Nicolas Sornaga. Marié avec lui-même depuis bientôt cinq ans dans le centre de beauté culturelle à Bruxelles et sous la baguette cérémoniale de Cayo et de Matthieu Ha. Aussi les deux acolytes profitaient de l’après-midi de façon à rendre visite à l’artiste peintre Monsieur Morimoto, victime d'un anévrisme vasculaire. L’artiste japonais de 84 ans, était venu exposer à UN PEU, à Bruxelles pour l’ouverture du centre de beauté culturelle et au soir du mariage de Nicolas Sornaga. L’artiste venait d’être hospitalisé et demeurait invalide sur un lit d’hôpital pour poursuivre sa convalescence. Il avait encore toute sa tête mais avait perdu l’usage de ses jambes et de ses doigts pour dessiner. Cayo et Matthieu Ha restaient une heure en sa compagnie, en faisant des photographies, des dessins. Le temps était très ensoleillé, et chaud. Les deux bruxellois regagnaient ensuite le quartier très vivant auquel était rattaché le théâtre de marionnettes. Beaucoup d’enfants, des terrasses bondées, où l’on pouvait entendre des discussions autour de la finale de tennis de Roland Garros. La deuxième soirée de concert était aussi attractive et de qualité, seulement, au moment de faire les comptes des recettes nos trois amis venaient de s’apercevoir de l’énorme désillusion et à laquelle ils devaient définitivement se résoudre. Sans discussion, et aucune protestation, de façon à ne pas s’enfoncer davantage dans les marécages de ce triste « coup de théâtre », ils emportaient avec eux - leur faible butin - de la cent trente-quatrième et cent trente-cinquième des MILLE et UNE TERRASSE.
Photographies de Cayo Scheyven soutenu par Nicolas Sornaga
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