UN PEU de souvenirs antérieurs lors de la cent unième des MILLE et UNE TERRASSE en compagnie du label musical ANTERIOR INSULA. Leur appellation fait référence à la définition d’un point sensible du cerveau par lequel se développe le sentiment de dégoût. Pour autant la direction qu’emprunteront les deux fondateurs du label - LY FOULIDIS et ACASTA GNEISS - sera de chercher de multiples remèdes. Tout d’abord, ils feront une collecte de musiques fondamentales, issues des premières civilisations pour ensuite les faire évoluer au grès de leurs intuitions électro. Le sens commun qui caractérise leurs choix musicaux nous révèle un sentiment profond d’ermitage durant lequel aucune névrose ne viendra perturber un recueillement audio salutaire. Le deuxième chapitre des MILLE et UNE TERRASSE ouvrait donc ses nouvelles pages par les soins concoctés de ce nouveau label né en 2020. Les deux acolytes avaient fait venir de Maastricht, le jeune musicien REGGY van BAKEL ainsi que le duo BELLE/MARIS. Au moment du thé de la paix du quartier, le Centre de beauté culturelle faisait chanter des oiseaux sous la branche de leur tourne disque quand REGGY van BAKEL arrivait avec plus de cinq cent kilos de matériel électro. Il descendait par le monte-charge bleu, l’intégral de son équipement jusque dans la terrasse sous terraine où l’attendait Cayo pour les essais sons. Personne ne connaissait vraiment ce jeune homme, indonésien d’origine. Il faisait preuve d’une étonnante intégrité très naturelle. Un peu plus tard le tandem BELLE/MARIS installait à leur tour leurs instruments respectifs (accordéon-guitare électrique) dans la terrasse intérieure. Ensuite vers dix-neuf heures, le public arrivait au fur et à mesure, accueilli par les agitations du drapeau d’or sur la terrasse extérieure. Enfin le programme pouvait commencer avec une ouverture électro solitaire d’ACASTA GNEISS dans la terrasse sous terraine. Le musicien réussissait son exercice de décollage électromagnétique pour ensuite conduire les spectateurs dans un voyage aux intensités fractales. Recroquevillé sur ses boutons de commandes, il donnait parfois l’impression de croiser des étoiles filantes à travers l’espace de l’auditorium HD. Au terminal de ce premier voyage, le public remontait pour rejoindre la buvette sportive avant de se replonger dans un deuxième volet musical en compagnie du tandem bruxellois BELLE/MARIS au niveau 1 de la galerie d’exposition de la terrasse intérieure. L’accordéoniste Stan Maris prenait l’initiative d’ouvrir seul leur prestation. Il faisait frotter les sonorités des basses de son instrument sur les notes graves de son clavier. Cela ressemblait à un beuglement grossier ou à une discorde accordée. Puis il poursuivait en s’acheminant vers des phrasés courts et très aigues. La formule répétitive de sa broderie mélodique positionnait ses doigts sur un chapelet de boutons nacrés, à quelques centimètres de ses oreilles. Après vingt bonnes minutes, Nicolas Belle rejoignait son acolyte pendant une courte durée. Finalement il poursuivra seul, la performance jusqu’à son terme avec sa très belle guitare électrique, dont la teinte du bois se rapprochait à celle d’un vieux violon. Le guitariste avait canalisé ses cordes à de petits câbles électriques pour une liaison infime avec la fibre sensible de ses boîtiers de volumes. Il jouait à les faire crépiter dans son speaker avant d’exécuter sur sa guitare, une suite d’arpèges minimalistes. Après plus de vingt-trois minutes de jeu solo, une personne de l’audience se demandait à voix haute pour quelle raison les deux musiciens ne jouaient pas ensemble. Sans prendre la parole, Nicolas Van Belle poursuivait imperturbable son récital. Définitivement, les deux musiciens déposaient leurs instruments après une heure de jeu, lorsqu’ une ovation bien fournie s’attribuait à eux. Pour terminer, le public redescendait dans la terrasse sous terraine, rejoindre le dernier concert en compagnie de REGGY van BAKEL. La scène avait dans son fond, une multitude de claviers et d’appareils électroniques. Le musicien jouait variablement de sa guitare électrique suivant la disponibilité de ses mains. Celles-ci étaient le plus souvent occupées aux commandes de ses appareils - tous tournés face au public. Des tableaux de bord, dont les indicateurs s’exprimaient à travers leurs lumières clignotantes, transmettaient une boucle musicale électro d’une beauté irrésistible. Le thème était une phrase répétitive dont l’apport des lignes de basse glissait doucement et lui accordait alors une progression solennelle d’un amour esthétique, méticuleux et sans le moindre tourment. Le public était conquis, Cayo faisait la photo traditionnelle du jeune musicien. Un peu plus tard, lorsque la Dutchess accompagnait l’artiste jusqu’au pas de sa voiture, elle découvrait avec surprise, deux grosses timbales rangées dans le coffre du véhicule et dont Reggy van Bakel en avait l’usage pour accompagner les grands orchestres philarmoniques des Pays-Bas. Enfin, à vingt-trois heures, Matthieu Ha entamait la rituelle danse du drapeau d’or, l’accélération de son tournoiement finissait par enrouler l’étendard sur lui-même et ainsi clôturer la cent-unième des MILLE et UNE TERRASSE.
Très belles photographies de Cayo Scheyven.
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